La semaine dernière, les Ministres des Affaires étrangères du Mali, du Niger et du Burkina Faso, membres de l’Alliance des États du Sahel (AES), ont marqué un tournant dans leur diplomatie en participant au prestigieux Forum diplomatique d’Antalya 2025, en Turquie. Cette rencontre internationale, qui a rassemblé des dirigeants de haut niveau et des experts du monde entier, a offert une tribune inédite aux pays du Sahel pour redéfinir leur place dans l’échiquier mondial et défendre leurs intérêts face aux défis colossaux auxquels ils sont confrontés.
Une tribune stratégique pour le Sahel
Sous le thème « Reclaiming Diplomacy in a Fragmented World » (Réinventer la diplomatie dans un monde fragmenté), le Forum diplomatique d’Antalya a été l’occasion pour les ministres Abdoulaye Diop (Mali), Bakary Yaou Sangare (Niger) et Karamoko Jean Marie Traore (Burkina Faso) de porter haut la voix du Sahel. Lors d’un panel intitulé « Sahel : L’avenir de l’intégration régionale », ils ont abordé des enjeux cruciaux pour leurs nations, notamment :
- La lutte contre le terrorisme : Les ministres ont dénoncé les embargos sur les équipements militaires imposés par certains pays occidentaux, qui entravent leurs efforts pour sécuriser leurs territoires. Ils ont mis en lumière leur volonté de diversifier leurs partenariats stratégiques en se tournant vers des alliés comme la Turquie, la Russie et la Chine. Une manière pour ces Etats du Sahel de se rapprocher aussi un peu plus des pays membres des BRICS.
- Les transitions politiques : Face aux critiques internationales sur les coups d’État militaires ayant conduit à la création de l’AES, ils ont défendu ces changements comme une réponse nécessaire aux aspirations populaires et à la crise sécuritaire.
- Une intégration régionale renforcée : Ils ont plaidé pour une coopération accrue entre les pays membres de l’AES afin de créer des opportunités économiques pour les jeunes, réduire la migration irrégulière et combattre efficacement l’extrémisme violent.
Abdoulaye Diop, Ministre malien des Affaires étrangères, a vivement critiqué l’inaction des Nations Unies face à la montée du terrorisme dans la région. « Nous ne pouvons plus attendre que le monde compte nos morts. Il est temps d’agir », a-t-il déclaré avec force, appelant à une mobilisation internationale plus concrète.
La Turquie : un partenaire clé pour l’AES ?
La participation des pays de l’AES au Forum diplomatique d’Antalya témoigne également d’un rapprochement stratégique avec la Turquie. En accueillant ces délégations, Ankara renforce son rôle d’acteur incontournable en Afrique de l’Ouest. La Turquie, qui s’est imposée comme un partenaire économique et militaire alternatif à l’Occident, pourrait jouer un rôle crucial dans le renforcement des capacités sécuritaires et économiques des États sahéliens.
Les discussions bilatérales entre les Ministres de l’AES et leurs homologues turcs ont porté sur plusieurs axes prioritaires :
- Le renforcement de la coopération militaire pour équiper les armées sahéliennes.
- Le développement d’infrastructures économiques et sociales dans une région marquée par une pauvreté endémique.
- La promotion d’échanges commerciaux entre les pays du Sahel et la Turquie.
Une diplomatie proactive AES
En participant à cet événement international majeur, les dirigeants de l’AES affichent leur volonté de s’émanciper des schémas traditionnels de dépendance envers les anciennes puissances coloniales. Leur présence à Antalya marque une étape importante dans leur quête d’autonomie stratégique et économique.
Cependant, les défis restent immenses. La lutte contre le terrorisme continue de peser lourdement sur leurs économies fragiles. La nécessité d’une intégration régionale efficace est plus pressante que jamais pour répondre aux aspirations des populations sahéliennes. Enfin, ces pays devront convaincre leurs nouveaux partenaires internationaux que leur vision d’un Sahel stable et prospère est réalisable.
Une nouvelle ère pour le Sahel ?
Le Forum diplomatique d’Antalya 2025 est une nouvelle réussite pour l’AES dans son besoin de s’afficher clairement comme une alliance sous régionale qui compte après le récent sommet AES/ Russie tenu en début de moi à Moscou. En prenant la parole sur cette scène mondiale, les ministres de l’AES ont montré qu’ils ne comptaient pas rester spectateurs face aux bouleversements géopolitiques. Leur message est clair : le Sahel veut reprendre son destin en main. Mais pour transformer cette ambition en réalité, il faudra plus que des discours – il faudra des actions concrètes capables de redonner espoir à une région trop longtemps laissée-pour-compte.
L’avenir dira si cette offensive diplomatique portera ses fruits ou si elle restera un simple coup médiatique. Mais une chose est sûre : le Sahel refuse désormais d’être relégué au second plan.
Nourdeen Didier Alohou
Expert en Communication de Changement de Comportement Social et d’Impact, Lomé