Diplomatie Bénin- Niger : Une crise sans fin ?

par Africadev
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Depuis le changement de régime survenu au Niger le 26 juillet 2023, les relations entre le Bénin et son voisin sahélien restent profondément marquées par brouille prolongée. Malgré la levée des sanctions imposées par la CEDEAO en février 2024, la frontière terrestre demeure fermée côté nigérien, tandis que des accusations mutuelles se sont multipliées et ont empoisonné les échanges diplomatiques et économiques. Cette situation met en lumière une fracture préoccupante dans les relations de bon voisinage entre deux pays ayant pourtant toujours entretenu des relations historiques et fraternelles et dont les deux peuples partagent beaucoup tant sur le plan culturel qu’économique.

Un contexte de sanctions inédites

Le renversement du président Mohamed Bazoum a déclenché une série de sanctions économiques et diplomatiques imposées par la CEDEAO. Le Bénin, sous l’impulsion du président Patrice Talon, s’est aligné sur ces mesures en fermant ses frontières avec le Niger et en bloquant l’approvisionnement en produits essentiels via le port de Cotonou. Ce positionnement a été perçu comme un soutien zélé à l’intervention militaire envisagée par la CEDEAO pour rétablir l’ordre constitutionnel au Niger.

Cependant, cette posture a exacerbé les tensions bilatérales, alimentant un ressentiment profond du côté nigérien.

Des gestes de rapprochement sans suite

En août 2024, deux anciens chefs d’État béninois, Nicéphore Soglo et Boni Yayi, ont entrepris une médiation en se rendant à Niamey pour rencontrer les autorités du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), dirigé par le général Abdourahamane Tchiani. Cette initiative avait suscité beaucoup espoir avec la nomination d’ambassadeurs dans les deux capitales. Pourtant, aucun progrès concret n’a suivi. La frontière nigérienne reste fermée, et des équipements militaires destinés au Niger demeurent bloqués au port de Cotonou.

Accusations mutuelles et méfiance croissante

Le Niger accuse le Bénin d’abriter des bases militaires françaises et américaines près de sa frontière nord, qu’il perçoit comme une menace directe pour sa stabilité. Ces accusations ont été rejetées par Cotonou, mais elles continuent d’alimenter un climat de suspicion. Par ailleurs, le refus du Bénin de livrer les équipements militaires destinés au Niger par les canaux indiqués par celui-ci (via le Togo) est interprété comme une entrave délibérée à la coopération régionale dans un contexte où les défis sécuritaires communs exigent une solidarité accrue.

Pourtant, lorsque nous avons contacté le Ministère nigérien des Affaires étrangères, un membre du cabinet du Ministre a tenu à préciser : « Le refus d’ouvrir la frontière ne doit pas être interprété comme l’absence d’une volonté de coopération. Le Niger reste disposé à recevoir ses équipements militaires restés bloqués à Cotonou, en particulier dans un contexte où la menace terroriste touche également tous nos voisins, dont le Bénin. » Il a ajouté : « Le Niger demeure attaché aux principes du bon voisinage, de la solidarité régionale et du respect mutuel entre les États. »

En revanche, le ministre béninois des Affaires étrangères, Monsieur Bakary Olushegoun, n’a pas souhaité s’exprimer sur cette question sensible.

Un impact économique désastreux

La fermeture prolongée des frontières a eu des conséquences économiques graves pour les deux pays. Les échanges commerciaux traditionnels via la frontière terrestre sont paralysés, privant les populations locales d’activités vitales. Le Bénin subit également des pertes financières importantes liées à l’inactivité prolongée de son port autonome de Cotonou, malgré un retour timide des activités commerciales.

Mauvaise foi ou stratégie politique ?

Malgré des déclarations publiques affirmant une volonté de normaliser les relations bilatérales, les actions du gouvernement béninois semblent contradictoires. Le maintien des équipements militaires nigériens bloqués dans un contexte de menaces sécuritaires témoigne d’une « mauvaise foi manifeste » ou d’une « stratégie politique visant à exercer une pression sur Niamey ».

La crise entre le Bénin et le Niger met en lumière les dangers d’une diplomatie fracturée par des divergences et un déficit de confiance mutuelle. Alors que les défis sécuritaires et économiques exigent une coopération renforcée entre ces voisins interdépendants, la persistance des méfiances ne favorise pas une réelle synergie d’action nécessaire et efficace face à la menace terroriste.

Les propos conciliants du cabinet du ministre nigérien des affaires étrangères offrent une lueur d’espoir pour une reprise sincère du dialogue. Cependant, sans volonté politique claire des deux parties, notamment du côté béninois cette impasse pourrait se prolongée.  

La rédaction.

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